Énergie

Projet de commissariat Énergie, Galerie d’art Foreman de l’Université Bishop’s, Québec, Canada, 2014

Réalisé en collaboration avec Gentiane Bélanger et Vicky Chainey Gagnon. L’exposition rassemble des œuvres de Jim Holyoak, Geoffrey Jones, Thomas Kneubühler et The Otolith Group.

Moteur des sociétés et civilisations, l’énergie — ou plutôt son harnachement — déplace des populations, entaille le territoire, configure les infrastructures, qui à leur tour influencent la socialité, et motive des guerres. L’énergie nous ancre dans une généalogie du vivant que la science nous révèle toujours plus complexe, intriquée et insondable, en même temps que notre compréhension limitée de cette force et notre usage malhabile de ses sources orientent notre avenir vers des horizons anxieux.

Commandé pour l’exposition dOCUMENTA (13) tenue à Kassel, en Allemagne, en 2012, le film The Radiant de l’Otolith Group (Kodwo Eshun et Anjalika Sagar) évoque à la fois les relations politiques de l’industrie nucléaire et la promesse historique de celle-ci, notamment les assurances formulées au siècle dernier voulant que l’électricité produite par le nucléaire soit une source d’énergie propre et sécuritaire. La combinaison d’images récentes de paysages et d’infrastructures, d’entrevues, d’enregistrements vidéo amateurs du tsunami, de films promotionnels anciens et de prises de vues de la construction de la centrale s’avère à la fois fascinante et troublante.

L’ampleur des infrastructures dédiées à l’aménagement des rivières qui coulent dans le nord du Québec frappe l’imaginaire. À la manière de troncs décharnés, les silhouettes dressées des pylônes captées par la caméra grand format de Thomas Kneubühler semblent être les seuls témoins d’une activité qui a cours en ces lieux reculés. Acheminé par celles-ci sur plus d’un millier de kilomètres, de Radisson au Québec à Sandy Point aux États-Unis, le courant produit au nord doit transiter par des stations de conversion destinées à le transformer d’abord de courant alternatif à continu et vice versa. Le projet Under Currents de Kneubühler nous ramène à la source même de cette énergie lumineuse qui éclairait les pentes de ski de l’œuvre antérieure Electric Mountains le soir venu. 

A Plan for a Northern Hemisphere de Geoffrey Jones est une installation qui génère une série de réactions en chaîne. L’œuvre reproduit le processus de la condensation généré par la variation de température; les précipitations qui s’ensuivent sont dispersées par le déclenchement d’un ventilateur sur pied qui surplombe le dispositif. Des propriétés de la matière qui sont à la base du phénomène se répétant en boucle naît un capital poétique qu’accumule l’œuvre opérant d’elle-même. Envisagée par rapport à la vastitude de l’atmosphère de notre planète, l’œuvre sculpturale de Jones déconcerte : c’est d’ailleurs en ce sens que l’artiste explore les principes qui régissent l’univers — devenu soudainement proche à travers ses yeux.

L’énergie se manifeste dans l’univers représentatif de Jim Holyoak sous un registre tout aussi immanent, enchevêtrant les multiples facettes de notre existence aux phénomènes naturels. Habité d’espèces disparues, de créatures en devenir et de matières animées, l’univers pictural de Holyoak nous donne à voir une nature labile et changeante, où chaque composante participe d’une mouvance généralisée. L’interrogation inquiète qui sous-tend la pratique de Holyoak consiste à sonder vers quels imaginaires non encore actualisés nous tendons présentement, à force de puiser dans les veines du monde avec une ardeur qui ne peut que nous affecter en profondeur. 

Extraits d’un texte de Gentiane Bélanger, Vicky Chainey Gagnon, Geneviève Chevalier

Crédit photo:
François Lafrance

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